(…) Evoquer l’espace intérieur est la devise de ce nouveau Lohengrin. Pour y parvenir, la musique est inscrite dans les yeux fous d’Elsa, victime fragile que le son joyeux des cloches a rendue sourde. La musique se transforme en tout ce qu’Elsa perçoit, comme pour nous faire vivre ses sensations. Les souvenirs qui s’éternisent dans la mémoire et les échos naissant dans l’esprit miment son drame de l’intérieur. La nuit qui revient inlassablement, le passage d’une soirée à la suivante, lui appartiennent. Pour Elsa, pour nous, la nuit se fait infinie. L’attente d’Elsa semble être sans espoir. L’imagination et la réalité se contredisent. Et nous ne découvrons son mal que peu à peu.
La succession logique des événements est intervertie : la nuit de noces (Scènes 1 et 2) précède l’attente de Lohengrin (Scènes 3 et 4). Notre incertitude en est accrue : ou bien le chevalier a déjà abandonné Elsa, ou bien il ne l’a pas encore libérée (arrivera-t-il seulement ?). (…)
La soliste et actrice assume toutes les fonctions de la représentation : par la musique, par le texte, elle prend en charge tous les personnages, la scène même en un seul rôle. La condition d’une telle composition est de concevoir la voix et le corps comme univers. Le mouvement d’introspection qui en résulte réfléchit l’ambiance extérieure qui doit pratiquement créer par l’illusion ce monstrueux paysage de l’âme et devenir spectacle en soi. Cette recherche veut découvrir du réel ou, mieux encore, mettre en connexion la réalité sonore et le langage musical. (…)
Salvatore Sciarrino [Extraits de la note liminaire à la partition de Lohengrin, Éditions Ricordi]
Représentations :
12 au 15 décembre 2001 : Théâtre Nanterre-Amandiers